PEUGEOT








Peinture et carrosserie : 100 ans de progrès

HISTORIQUES
De la CRINOLINE à la CHAINE
De la voiture unique à la fabrication à la chaine





La carrosserie n'a pas toujours été vendue avec le chassis.

Depuis le début du siècle, la demande automobile change. Les clients fortunés qui faisaient carrosser leur châssis Peugeot par des carrossiers réputés font place à de nouveaux clients moins fortunés mais qui veulent utiliser tout de suite une Peugeot terminée. Les constructeurs doivent s’adapter. Dès 1908, les voitures carrossées prennent le nom de « voitures de série ». Mais comment gérer la diversité des types de carrosseries et le volume ?

Plusieurs voix se font entendre chez Peugeot pour qu’une entente soit engagée avec des spécialistes de ce métier. Après beaucoup d’hésitations, Armand Peugeot, qui considère qu’Audincourt est capable de répondre à la demande, finit par reconnaître que les caisses fabriquées en interne sont trop chères !

C’est Robert Peugeot, après avoir pris la direction des usines du Doubs en 1910, qui contacte le carrossier de Villeurbanne, Henri Gauthier. Il lui commande des prototypes de double phaéton et de torpédo à 2 et 4 places. Ce n’est pas un hasard, car Beaulieu sous-traitait déjà à Henri Gauthier la fabrication de ses caisses. Seul Audincourt fabriquait des carrosseries pour ses besoins propres.

 

Henri GauthierHenri Gauthier carrossier à Villeurbanne

Henri Théophile Gauthier est né à Lyon en 1863. Fils de Jean marchand de vin, il devient apprenti sellier à 13 ans et ouvre en 1890 un petit atelier de sellerie à Lyon. Ses clients sont très contents de ses cartables, serviettes et sacoches.

Le développement du vélocipède aidant, il s’installe en 1900 à Villeurbanne dans de nouveaux bâtiments. Avec ses 15 ouvriers, il a du mal à satisfaire tous ses clients avec ses selles en cuir. Il dépose de nombreux brevets entre 1903 et 1907 concernant la fabrication des étuis à fusil et les selles de vélo.

Le développement de l’automobile lui permet de s’agrandir en fournissant le confort à ce nouveau moyen de locomotion. En 1905, il construit une nouvelle usine, de carrosserie cette fois, à coté de l’usine de sellerie.

Des capots, des portes, des capotes et des sièges sortent de cette usine. La mécanisation qu’il développe lui permet de fournir 4500 carrosseries en 1912, 5000 en 1913 et 6000 en 1917 avec 250 ouvriers. Il crée une nouvelle usine à Herstal en Belgique.


A réception des carrosseries prototypes, Robert Peugeot décide de régler la question. Il propose à Henri Gauthier de s’installer à côté de Beaulieu et Audincourt, ce sera Mandeure en face de Beaulieu. La structure choisie sera une commandite simple avec H. Gauthier comme gérant et la SAACP comme commanditaire. Chacun participe financièrement. L’acte est signé le 27 mai 1911. La nouvelle société Henri Gauthier et Compagnie sera opérationnelle au 1er octobre1911.

Mandeure fabriquera des carrosseries pour Beaulieu, Audincourt et Sochaux. Les constructions nécessaires à cette nouvelle activité de carrosserie sont engagées.
                                    

Usine Gauthier à Mandeure

      La sortie des ouvriers

 La collaboration durera jusqu’en 1919 ( Compte rendu du CA du 23 janvier 1919).

La légende orale dans le Pays de Montbéliard voudrait qu’Henri Gauthier, ayant perdu pendant les combats du printemps 1918, son gendre Charles Louis Dupoizat, le mari de sa fille Henriette, auquel il destinait son usine de Mandeure, ait souhaité se désengager de cette affaire lointaine.

Dans ces condition pourquoi Peugeot aurait il abandonné à titre d’indemnités de résiliation anticipée une forte somme à Henri Gauthier ? La réalité est sans doute plus complexe. Peugeot devait investir massivement à Mandeure pour engager la production à la chaine de la voiture 163. Henri Gauthier n’a pas pu, ou pas voulu, compte tenu de son deuil, participer à cette augmentation de capital, d’où peut-être, son désengagement.

 Fabrication de la bébé Peugeot à Mandeure

Entre 12-1920 et 03-1921, la fabrication des modèles:

161 à gauche, lancée en 12-1920 et la 163 à droite, lancée en 02-1920
Montage carrosserie, sellerie, peinture, mais pas encore de travail à la chaine (collection Vuillemin)

C'est sans doute très peu de temps avant le passage au travail à la chaine car la production passe de 260 voit en décembre à 429 en mars et 490 en avril 1921, ce qui est impossible avec l'ancienne organisation.

 

A cette époque, la peinture d’une carrosserie automobile est directement extrapolée de celle des voitures hypomobile. Les opérations sont manuelles (Témoignage de Mr Godat) :

Application de 2 couches d’impression au pinceau suivi d’un séchage de 24 heures dans l’air ambiant,

Masticage à la spatule pour boucher les imperfections et séchage 24 heures,

Ponçage à la pierre

Révision, correction des imperfections de surface à la spatule et séchage 24 heures. Il faut recommencer si le résultat n’est pas satisfaisant.

Application de la peinture, teintes verte, gris, noir ou rouge suivi d’un séchage à l’air ambiant. Chaque équipe de peintres avait 6 voitures sur leur chantier. Sur la première, application de la première couche, sur la seconde, la deuxième couche, etc.

Le lendemain matin la couche étant sèche, les ponceurs polissaient avec de la poudre de ponce contenue dans un morceau de capote de soldat (il en restait encore de la grande guerre) pour « redresser » la laque afin de ne plus voir les coups de pinceaux.

Enfin, il fallait appliquer le vernis. Cette opération se faisait dans une chambre chaude dont la température était réglée entre 20 et 30 °C. Seul le peintre pouvait y pénétrer pour éviter les entrées de poussière. Le sol était mouillé pour que la poussière ne vole pas. Il peignait d’abord les angles et les zones potentielles de rétention de poussière pour la bloquer puis il peignait tout le reste de la carrosserie. Il fallait installer un grand contreplaqué au dessus de la carrosserie pour éviter les chutes de poussière pendant le séchage.Puis il peignait le capot et les accessoires séparés.

La caisse passait la nuit dans la chambre chaude. Elle sortait le matin pour être stockée 48 heures pour parfaire le séchage.

 

La guerre de 1914 - 1918:

Le personnel est mobilisé, les commandes s’effondrent. Les usines sont mobilisées pour fabriquer des obus et tous les engins nécessaires à la guerre.

Pour fabriquer toujours plus d’obus, il faut donc embaucher les femmes des soldats et organiser la production pour qu’elles puissent manutentionner des charges lourdes sans trop d’efforts.

« Sans l’aide d’aucun appareil de levage, des projectiles de plus de 120 kg étaient usinés en grande partie par des femmes. J’avais (Ernest Mattern, Principes à observer pour la direction d’une usine, Sochaux 1941) réalisé un plancher fictif passant par les pointes de tour, sur lequel les obus roulaient (les ouvriers étaient comme en fosse). Les obus montés une fois pour toutes par un monte charge automatique à la hauteur de ce plan, s’y maintenait pendant toute la durée de l’usinage. S’ils devaient être redressés, des montages pivotant les prenaient par leur centre de gravité de façon à pouvoir les manipuler sans effort. »


La centralisation de la production:

Si la rentabilité de la fabrication occupe le quotidien des fabricants, la direction prépare l’après guerre. Pressentant le développement du marché automobile, il faut se préparer à la forte demande des clients. L’usine de Beaulieu et celle de Mandeure, à moindre titre, sont enclavées dans l’habitat urbain. Il faut trouver d’autres lieux de production. Deux projets sont étudiés et même lancés en parallèle, le grand Audincourt et le grand Sochaux.

Ernest Mattern a fortement contribué au développement d’Audincourt en tant que directeur de cette usine. Un plan d’évolution sur 25 ans a été établi en vue des futures productions de paix. Les plans de détail avec toute la manutention sont prêts. Un plan en perspective de ce grand Audincourt est affiché dans le bureau de Robert Peugeot à Beaulieu.

Des terrains sont achetés pour réaliser ces extensions dans le futur. Des travaux sont réalisés pour le raccordement sur 1200 mètres de l’usine avec la gare.

La crise de 1920 :

 Le marché des camions est encombré par la liquidation des stocks de l’armée. Sochaux ne fabrique plus de camion, il faut lui donner des quadrilettes à monter dès mai 1921. Jusqu’en 1922 la production totale restera inférieure à celle de 1913.

La situation s’améliore au printemps 1922, les ventes repartent faisant un succès de la quadrilette 161 lancée en 1920. En deux mois les usines sont saturées ! Mandeure se défausse de toutes les carrosseries spéciales sur la Société Mayen de Clichy, future SMC. La fabrication de la 174 18 CV sans soupapes se fera à Issy les Moulineaux. C’est le début du développement des usines de la région parisienne spécialisées dans les gros modèles.

Il faut investir pour augmenter les capacités de production. Lorsque les financements sont trouvés, Robert Peugeot relance le projet du grand Sochaux. Audincourt, l’usine à l’origine de la SAAP est « abandonnée » au profit de Sochaux !

Une nouvelle carrosserie y sera construite entre la forge à l’est et la fonderie à l’ouest.

Le service des travaux neufs (STN) est créé en avril pour s’occuper de ce projet sous la direction de Mr Caillet.

Le devis d’origine de 16,9 Mf sera réduit à 13 Mf par réduction de la cadence à 55 châssis par jour et le report à plus tard des ateliers de montage des châssis 5 et 10 CV.

La construction débute en aout 1924 et subit quelques aléas. En septembre les fortes pluies empêchent les remblais de durcir et les wagons ne peuvent atteindre le chantier. En février 1925, juste à la fin de la pose de la première tranche de la charpente, celle-ci s’écroule sous l’effet d’une forte tempête.

En juillet 1926, certains ateliers peuvent être exploités. Toutes les usines du Doubs seront bientot recentrées sur SOCHAUX, le centre unique de production.



La première mission d'études aux Etats Unis

Frederick Winslow Taylor est né en 1856 près de Philadelphie. Il franchi tous les niveaux hiérarchiques de l’entreprise de mécanique et devient ingénieur en 1884 en suivant des cours du soir. Cette expérience lui sera très utile pour comprendre les raisons qui limitent la productivité des usines. Taylor propose sa méthode scientifique d’analyse du travail. Dès 1893 il publie ses travaux. Ils sont diffusés en France par la revue de la métallurgie, crée par Henry le Chatelier en1904. Les articles sont écrits par des ingénieurs, polytechniciens, centralien ou de l’école des mines. L’objectif est de rationaliser les industries de la métallurgie par la mise en commun des derniers progrès, des dernières connaissances. La revue fait donc la promotion du taylorisme. Henry le Chatelier entretien une correspondance suivie avec F.W. Taylor. Les numéraux de la revue traitant des méthodes Taylor sont rapidement épuisés. Les lecteurs réclament des tirés à part. Son livre majeur est traduit en français en 1911, sous le titre : Principes d’organisation scientifique des usines .

Henry Ford s’inspire de ces travaux et les combine avec le principe du travail à la chaine qu’il a découvert lors d’une visite aux abattoirs de Chicago. Il met en pratique ces conceptions dès 1913.

D’autres publications étaient déjà connues en France et allaient inspirer Henri Gauthier. Celui-ci était sollicité par Peugeot pour augmenter sa production de carrosseries à Mandeure. Il propose à Robert Peugeot d’aller étudier les méthodes de fabrication aux Etats-Unis. Ce dernier lui demande d’emmener avec lui deux ingénieurs de Peugeot, Alfred Giauque qui a acquis la nationalité suisse en 1902 et Guido Cocorda de nationalité italienne. Ils n’étaient donc pas mobilisés.

Ils s’embarquent à Bordeaux le 29 octobre 1916 sur le bateau l’Espagne. La mission est pilotée sur place par Jules Lassau (AM, Chalons 1886), directeur France des établissements Fenwick et par Mr Planche, ancien dessinateur chez Peugeot, ami personnel d’Alfred Giauque et cadre chez Dodge, grosse entreprise automobile américaine, qui s’est inspirée des méthodes d’organisation Ford.

Les détails du voyage sur place ne sont pas connus, mais ils sont allés au moins à Détroit et à Chicago.

Au retour, Alfred Giauque établira un rapport très circonstancié qui servira à définir les évolutions des usines après la fin de la grande guerre. Il est tellement important, que six exemplaires seront inscrits en premier dans la liste des ouvrages de la bibliothèque des usines, juste avant les ouvrages des méthodes Taylor et Ford (Fords Methods and The Ford Shops 1905). Ils sont consultables par tout le personnel dès 1918 .

Ce petit film montre ce qu'ils ont pu voir eux-même sur place dans les doamines de l'assemblage carrosserie et la peinture. Il est monté à partir de films des archives FORD disponibles sur Youtube.


 

L’Amérique est le nouvel Eldorado. Tous les constructeurs automobiles, tout au moins ceux qui perdureront, font le voyage aux USA. C’est d’abord Louis Renault en avril 1911. Il embarque à Liverpool à bord du Lusitania, avec Georges de Ram, son responsable du chronométrage et Jean Renault son jeune neveu de 19 ans. Ce dernier sera tué en combat aérien au dessus d’Esnes en Argonne en mars 1916. Georges de Ram est patron d’un atelier de Renault à Londres. Ayant pris connaissance des méthodes Taylor, il les applique dans son atelier. Louis Renault lui demande d’appliquer ses méthodes à Billancourt en 1906. G. de Ram publie un article dans la revue de la métallurgie en 1909 pour expliquer les bons résultats obtenus. Un tiré à part de cet article est envoyé à F.W. Taylor qui l’invite à venir sur place partager son expérience.

Dans son rapport de visite, Georges de Ram parle de leur visite à Mr. Taylor. Ils visitent Ford qui fabrique déjà 34500 voitures par an, mais sans utiliser encore le travail à la chaine.

 

André Citroën est fasciné par l’Amérique. Il traverse l’Atlantique en 1912. Il visite également Ford qui ne produit pas encore à la chaine. Il y retourne en avril 1923, emmenant avec lui Georgina sa femme, sa bonne et ses meilleurs ingénieurs. Adolphe Kégresse est du voyage, qui espère vendre là bas son procédé de véhicule chenillé, Charles Henri Dufresne et Antoine Deloire. Ce dernier sera débauché par Peugeot dès le mois de septembre de cette même année et curieusement André Citroën n’emmène pas Ernest Mattern qu’il vient de débaucher de Peugeot !

Il revient convaincu que l’avenir est aux carrosseries toutes en acier, alors qu’en Europe elles ont une armature bois sur laquelle sont plaquées des tôles pour chacune des pièces extérieures. Ce principe nouveau sera appliqué l’année suivante sur le modèle B10 en collaboration avec la société Budd de Philadelphie. Cette technique sera utilisée par Peugeot en 1936 au lancement de la 402 et par Renault en 1937 sur la Juvaquatre. André Citroën est donc un précurseur dans ce domaine.
 

Le travail à la chaine

 Pour satisfaire les demandes de l’état major des armées qui veut toujours plus d’obus Peugeot doit rationaliser sa production et appliquer les méthodes d’organisation scientifique du travail (OST) élaborées à partir du Taylorisme et francisées.

Le travail à la chaine suppose trois prérequis :

L’interchangeabilité des pièces à monter,

Le découpage du travail en opérations élémentaires, appelé travail morcelé par éléments en 1908 ou décomposé en opérations successives en 1921,

          Le chronométrage de toutes les opérations de montage.

Dans les ateliers de montage d’avant guerre, il est classique de trouver les châssis à monter sur des tréteaux au milieu de l’atelier et une rangée d’établis le long du mur avec autant d’ajusteurs au travail.


travail des ajusteurs à Audincourt

Ils étaient recrutés à la sortie de l’école pratique de Montbéliard. De 1891 à 1899 Peugeot en embauche 2 à 3 par an. A partir de 1900, c’est 5 à 7 ajusteurs qui rejoignent tous les ans Audincourt et Beaulieu.Fin 1919, E. Mattern créé à Beaulieu l’école d’apprentissage pour les fils de ses ouvriers.

Les sources photographiques Peugeot ne permettent pas de dater précisément le passage au travail à la chaine.

Nous ne sommes pas chez Renault qui engrange 1000 clichés par an grâce à un service photo qui occupe, dès 1911, 5 salariés en plus des photographes. Chez Peugeot, les collections comportent d’affreuses lacunes entre 1913 et 1924 !

Audincourt 1924 ponçage à la chaine

C’est justement en décembre 1924 qu’apparaissent les premières photos du travail à la chaine à Audincourt et Mandeure après l’incendie de l’atelier de peinture de Mandeure. Mais quand à t’il débuté ?

Nous sommes donc contraints à la lecture des sources écrites. Il faut chercher au détour d’un paragraphe, une allusion à une technique dont on ne parle pas jusque là, des chiffres qui montrent une évolution notable d’un indicateur de production.

Les rapports techniques ont été inventés par Ernest Mattern dès 1919. Ils donnent chaque mois les détails de l’avancement des études de nouveaux modèles, de la tenue du programme de fabrication, des investissements à consentir pour modifier les usines afin de tenir les objectifs ambitieux de la Direction Générale.

A Mandeure en février 1921 : « le montage à la chaine est à prévoir dans plusieurs ateliers. Nous avons une installation de ce genre en cours pour le ferrage de la 163 ». Le mois suivant : « La chaine de ferrage de la 163 fonctionne normalement, celle de la quadrilette est en cours d’installation ». A cette époque le ferrage consiste à poser les ferrures qui tiennent ensemble les armatures en bois des carrosseries.

Les rapports techniques donnent également les détails de la production et des effectifs ouvriers. Le graphique page suivante donne les valeurs pour l’usine de Mandeure qui fabrique les carrosseries pour toutes les usines du Doubs et assure le montage final des voitures avant expédition au commerce.

D’une manière générale la production augmente ainsi que le personnel. Le ratio personnel / production montre trois phases d’évolution différentes.

 Ration production-personnel usine Mandeure

La phase (A) de 1919 à 1920 montre une utilisation erratique de la main d’œuvre. La phase (B) de 1921 à 1924, montre une évolution progressive et une amélioration notable de la productivité. La phase (C) qui débute en 1924, juste après l’incendie de Mandeure, montre une évolution linaire. C’est le signe d’une organisation rationnelle de la main d’œuvre et donc la signature d’une production à la chaine.

 

Ernest Mattern , dans ses mémoires dit avoir créé le bureau d’amélioration des usines dont un travail a été l’étude de tous les appareils de manutention pour montage à la chaine des voitures et bicyclettes à Beaulieu, des carrosseries à Mandeure. Hors, il a quitté Peugeot pour Citroën entre juin et octobre 1922. Le travail à la chaine existait donc avant son départ ou était déjà bien étudié… Il ne dit pas avoir eu l’idée de passer à la production en chaine. Si cela avait été le cas, il n’aurait pas manqué d’insister sur ce point.

Dans sa notice nécrologique ( Revue Arts et Métiers N°3 mars 1953. Décès d’Ernest Mattern le 27 octobre 1952), il est dit qu’il a pris l’initiative à l’armistice, de construire en grande série la voiture 163. Les lancements des différents modèles de ce type, fabriqués en grande quantité (pour l’époque), s’échelonnent entre 1919 et 1922. C’est une fois de plus, Ernest Mattern qui nous met sur la piste.

Mattern est chef d’atelier à l’usine de Lille de 1907 à 1911:

Pour lui, en 1908, aucune usine automobile ne pratique le travail morcelé en éléments et le système des ouvriers se déplaçant devant les châssis. Au lieu de monter les cadres par un seul ouvrier professionnel, 11 ouvriers venaient successivement y travailler. Gain 65% du temps de montage !

Pour arriver à ce résultat il est nécessaire d’obtenir une meilleure exécution des pièces. A l’époque il n’y a aucune tolérance sur les plans. Il donne à son collègue des machines outils, les cotes auxquelles les pièces principales doivent aboutir. Il invente les calibres de réception prévoyant les jeux de montage afin de supprimer les opérations d’ajustage dorénavant inutiles !

Mattern devient directeur de l’usine d’Audincourt de 1912 à 1917 :

Il n’oublie pas les bonnes idées développées à Lille, il les applique à Audincourt. Pour le lancement de la 153 (1913 ?): toutes les pièces du châssis, qu’il fabrique à Audincourt, seront interchangeables ! Comme les plans ne sont pas tolérancés, il passe 1h30 par jour pour le faire. C’est une première étape indispensable au futur passage au travail à la chaine.
 

Directeur technique des usines de 1917 à 1922 :

Après la fin de la guerre, de ses productions d’obus et de matériel militaire, Ernest Mattern va appliquer ses idées novatrices aux usines dont il est responsable :

A Beaulieu, il tolérance les plans de pièces de vélo, ce qui permet, au bout de deux ans, le montage à la chaine par des femmes avec des pièces interchangeables.

A Mandeure, maintenant que les pièces sont tolérancées, il passe à l’étape finale, le montage à la chaine de la voiture 163. Il agrandit la carrosserie de Mandeure en ajoutant 3 bâtiments. (5 bâtiments nouveaux pour 2 millions de francs).

 Extension usine de Mandeure pour travail à  la chaine

 Un premier ensemble de deux bâtiments de 12 sheds chacun préservant l’allée centrale de l’usine « Gauthier » est construit. C’est l’entreprise Preiswerk de Bale qui livre les bâtiments. Le premier est prêt en octobre 1919 et les installations internes de la chambre chaude, du ponçage, des lignes de montage et de l’expédition des voitures sont opérationnelles en janvier 1920. Le second bâtiment, sera équipé pour le mois de mai. La section finition peinture va déménager. Le remontage, la finition et l’expédition sont entrés dans le nouvel atelier.

Les dernières charpentes du magasin d’expédition sont montées en août 1920. La toiture de la nouvelle forge est achevée. La couverture des derniers bâtiments sera terminée courant octobre. La menuiserie travaille à son emplacement définitif en décembre.

Mise en route d’une cabine de peinture De Wilbis. Nous avons fait une étuve provisoire fermée avec des toiles. Un ouvrier arrive à faire maintenant 60 à 70 couches par jour et l’étuve permet de donner deux couches par jour à la même carrosserie.

Le montage à la chaine est à prévoir dans plusieurs ateliers à partir de février 1921. Nous avons une installation de ce genre en cours pour le ferrage de la 163.
 

Si le travail à la chaine est lancé en peinture et au montage en mai 1920 pour le modèle 163, il est prévu une généralisation aux autres ateliers de Mandeure au printemps 1921. Lors de la visite des ingénieurs du Crédit Lyonnais ( DEEF 25237, SAACP, étude n°5131, octobre 1920), le 19 octobre 1920, les responsables Peugeot leur explique qu’ils sont en pleine réorganisation de la production. Le nouvel outillage installé montre que « la société est prête à aborder de grande fabrications avec des conditions de prix de revient certainement plus avantageuses que celles qu’elle obtenait jusqu’ici ».

Les performances de l’usine de Mandeure sont multipliées par deux fin 1921 et par trois en fin  d’année 1924 !

Le système est rudimentaire. Il n’est pas question de convoyeur automatique faisant avancer les carrosseries ou les châssis automatiquement entre les postes de travails des ouvriers spécialisés.

Les châssis et les caisses fixées sur des chariots rudimentaires en bois, circulent guidés sur des rails en bois conformément aux photos d’Audincourt ou de Mandeure de 1924. Le chemin de roulement se situe entre 15 et 40 centimètres haut dessus du sol. Les sous ensemble sont poussés manuellement entre les différents postes de travail.

Le même système sera mis en place à Sochaux pour la fabrication de la quadrilette.


Dans la concurrence française, c’est Renault qui lance, le premier, le travail à la chaine dans le second semestre de 1917 afin de fournir rapidement à l’armée la commande de plus de 4000 char FT17 de 6700 Kg (Alain Michel, Travail à la chaine Renault, 1898-1947, Editions ETAI).
 

Chez Citroën, c’est en 1919 que ce mode de fabrication a été utilisé pour le montage du type A dans l’usine de Javel (Sylvie Schweitzer, Des engrenages à la chaine, Editions des presses universitaires de Lyon, 1982).

 

Le quatrième constructeur français à cette époque, c’est Emile Mathis (1880-1956). Après une courte collaboration avec E. Bugatti, il construit sa propre usine à Strasbourg en 1911.Sa devise, le poids, voilà l’ennemi, lui attire de nombreux clients.
 

Emile Mathis
Usine Mathis à Strasbourg

Emile Mathis n’a pas fait le voyage initiatique en Amérique, mais il se tient au courant des dernières nouveautés. D’ailleurs il s’associera à Ford en 1934 et créera la marque MATFORD.


Usine Mathis à Strasbourg , montage chaissis 10 Cv

(Document Francis Roll, Site internet : www.mathis-auto.com).

Lancés fin 1919, les types S et SB de 8 et 10 Cv sont fabriqués à la chaine

 

La production journalière augmente ensuite rapidement :


12 voit. en 1920, 20 voit. en 1922, 50voit. en 6/23,75 voit. en 12/23 et100 voit. en 9/24.




Sauf notation particulière, la grande majorité des photos proposées, appartiennent au fond des archives patrimoniales de  PSA Peugeot-Citröen qui a donné son autorisation pour les présenter sur ce site.


Date de création : 10/10/2014
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Date de mise à jour : 30/03/2016